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« Violences » infligées à des demandeurs d’asile en Croatie: la Suisse est impliquée, déclarent les associations Droit de rester

By 19 octobre 2022No Comments

Les « violences » infligées aux demandeurs d’asile en Croatie préoccupent des organisations suisses d’aide aux migrants. Dans une lettre ouverte adressée au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), les collectifs vaudois, neuchâtelois et fribourgeois de l’association Droit de rester réclament l’arrêt « immédiat » des renvois Dublin vers ce pays. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) avait formulé le même voeu en septembre. La Plateforme asile-ne.ch, dont Droit de rester Neuchâtel fait partie, relaie cette information à travers la dépêche ATS publiée ce mercredi 19 octobre 2022.

« D’innombrables renvois sont actuellement prononcés et exécutés vers la Croatie, où des violences policières, des violences d’Etat, sont commises en toute impunité et au su de la Confédération. Par conséquent, nous exigeons l’arrêt immédiat de ces renvois ainsi qu’une réévaluation urgente de la politique d’asile du SEM », lit-on dans la lettre ouverte envoyée mercredi. Une conférence de presse était organisée le même jour à Neuchâtel par ses expéditeurs.

Ces revendications découlent de constats du terrain. « Depuis plusieurs semaines, les permanences cantonales de Droit de Rester Neuchâtel, Fribourg et Lausanne sont débordées par des situations étonnamment similaires », expliquent les collectifs. « Nous avons reçu des dizaines de récits de personnes et de familles ayant fui leur pays d’origine (Burundi, Afghanistan, Somalie, Turquie) pour ensuite subir des violences et discriminations répétées en Croatie. »

Pratiques « inhumaines »

Les personnes rencontrées disent préférer « plutôt mourir que de retourner en Croatie », poursuit le texte. S’appuyant sur des rapports récents de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) et sur des enquêtes journalistiques, les associations dénoncent les nombreux refoulements « illégaux » de migrants par la Croatie et les pratiques « inhumaines » de sa police.

Violences physiques, psychologiques et sexuelles, insultes racistes, vols, destructions de biens personnels et enfermement dans des locaux avec accès limité ou inexistant à des ressources alimentaires et sanitaires: voici ce que subissent les migrants arrêtés par la police de l’Etat balkanique, selon Droit de rester. Des demandes d’asile enregistrées « sous la contrainte et l’intimidation », avec relevé d’empreintes digitales, sont également évoquées (lire par exemple le récit A et le récit B).

« Alors que le SEM parle de « cas isolés », nous dénonçons un véritable modus operandi de la part des autorités croates », écrivent les auteurs de la missive. Ils estiment en outre n’avoir « probablement » aperçu que la pointe de l’iceberg, « Droit de rester ne représentant que quelques petites structures locales aux forces entièrement bénévoles ».

L’association juge aussi que le SEM doit avoir connaissance des violences subies par les requérants ayant transité par la Croatie, « au travers des entretiens qu’il mène avec chaque nouvel arrivant dans les centres fédéraux ». « Compte tenu de l’ampleur et du caractère répété du phénomène, la responsabilité du SEM est à cet égard clairement engagée », critique-t-elle.

« Formalisme excessif »

Plutôt que de renvoyer les migrants « vers leurs persécuteurs », Droit de rester appelle la Confédération à sortir de son « formalisme excessif » et à recourir à ladite « clause de souveraineté » inscrite à l’article 17 du règlement Dublin III. Celle-ci permet au pays qui l’active de traiter toute demande d’asile, « notamment pour des motifs humanitaires et de compassion », même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement.

Pour rappel, le règlement Dublin III institue un principe selon lequel le pays dans lequel a été déposée en premier une demande d’asile est considéré comme responsable. Les requérants peuvent alors y être renvoyés. Les Etats Dublin regroupent tous les membres de l’Union européenne, ainsi que la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein. En Suisse, c’est le SEM qui est chargé de l’examen des demandes d’asile.

L’OSAR, qui regroupe six œuvres d’entraide actives en Suisse dans le domaine de l’asile, avait elle aussi demandé, le 15 septembre dernier, l’arrêt des transferts vers la Croatie, ainsi que vers la Bulgarie. « Le recours systématique à la violence, toléré par les autorités, contre les personnes en quête de protection dans ces pays enfreint le droit international contraignant », indiquait l’OSAR, sur la base d’une analyse juridique maison.

Seize personnes ont été transférées en Croatie par la Suisse entre le 1er janvier et le 30 septembre 2022 dans le cadre du règlement Dublin III, selon les chiffres du SEM. Elles étaient 15 sur l’ensemble de l’année dernière.